FAIM.- Désir impérieux de survivre, biologiquement, gastronomiquement ou capricieusement. On pourrait écrire des volumes sur les différences et les points communs susceptibles d’être relevés entre le gosse bien nourri qui a un petit creux en récréation, la femme enceinte qui éprouve le besoin impérieux de fraises à une heure du matin, le Sahélien qui n’a rien absorbé depuis une semaine et le gastronome en quête d’un plat digne de ce nom. Qui ne voit que la faim dans le monde, la vraie, déclenchera un jour la fin d’un monde, celui où la faim ne saurait déclencher la fouille systématique des poubelles ?
FAIR-PLAY.- Expression et invention anglaises servant à désarmer l’adversaire. Il n’y a pas plus faux jeton que l’Anglais. S’apercevant que le reste de l’Europe avait tendance à abandonner l’esprit chevaleresque et à privilégier dans ses combats le sordide réalisme britannique, au détriment du don-quichottisme, il nous a mijoté le fair-play pour que nous continuions à nous battre torse bombé et à visage découvert.
FAMILLE.- Agrégat primitif d’individus liés par les liens du sang ou par alliance. La famille constitue la première entité dans l’histoire des sociétés humaines et l’on peut, de nos jours, juger de l’évolution d’une société selon l’importance qu’y occupe la famille. Il existe encore de nombreuses nations qui ne sont qu’une juxtaposition de familles plus ou moins nombreuses, plus ou moins puissantes. Pourtant, ces nations siègent à l’O.N.U. et ont souscrit à la déclaration universelle des droits de l’homme. La femme n’y a aucun droit mais y est entourée du respect dû à une reproductrice. Il y a des liens très étroits entre la libération de la femme, l’éclatement de la famille et la naissance d’une nation digne de ce nom.
FANATIQUE.- Dément mis en orbite. Quand tout est mis en œuvre pour éviter le fanatisme, celui-ci tourne en rond et à vide. L’efficience du fanatisme est un signe révélateur d’une grave distorsion sociale. Par exemple, l’intégrisme religieux ne doit pas être pris à la légère. Il est le symptôme objectif d’une terrible maladie de la société qu’il convient de soigner sans discourir. Quand le fanatisme devient virulent, il faut le combattre, certes, mais sans perdre de vue la cause qui l’a engendré.
FATALITÉ.- Résultante spectaculaire d’une série de minuscules erreurs dont il est malaisé de se souvenir et que l’on ne peut exhaustivement répertorier. D’ailleurs, à quoi cela servirait-il ?
FÉODALITÉ.- Forme moderne d’organisation sociale caractérisée par l’existence d’entreprises et de multinationales. Ce qui est génial dans cette organisation, c’est qu’elle semble ignorer ostensiblement la politique qu’elle contrôle cependant, et fort étroitement, par l’intermédiaire de l’argent. Il y a des États qui jouent entre eux au papa et à la maman, ou au gendarme et au voleur, et il y a des entreprises et des multinationales qui assument. Il est vrai qu’en temps de crise économique, il est plus gratifiant d’être salarié apatride que citoyen chômeur.
FIDÉLITÉ.- Vassalité. Il y a des gens qui restent parfaitement immobiles et qui s’étonnent que leur ombre se déplace. Il y a des gens qui courent plus vite que leur ombre et qui crient au scandale quand ils se retrouvent seuls. Il y a des gens qui ne supportent plus les fantaisies de leur ombre et qui finissent par acheter un chien. Connaissez-vous un homme sans ombre et sans chien ? L’ombre à l’humeur de chien symbolise bien le combat incessant de la fidélité et de la liberté. On ne peut à la fois prôner la fidélité et encenser la liberté. Si quelqu’un le fait devant vous, méfiez-vous ! C’est que vous avez affaire à un tyran.
FIEF.- Entreprise sous-traitante ou filiale contrôlée par une entreprise seigneuriale. L’entreprise en question peut revêtir plusieurs formes, notamment la forme électorale. Dans ce dernier cas, le seigneur est naturellement un parti politique. Il existe également des fiefs cultuels, culturels, administratifs. On trouve de tout à la tête des fiefs : des mandarins, des marchands de soupe, des maquignons, des bonimenteurs. J’en passe et des meilleurs.
FIERTÉ.- Contentement se soi. La fierté est un sentiment rare car la plupart des gens ont besoin de l’assentiment des autres. Il n’est donc pas étonnant que la fierté de la politique.
FILIALE.- Entreprise vassale. Par l’intermédiaire de leurs filiales, qui constituent autant de fiefs commerciaux, les multinationales tissent un réseau inextricable sur la vie économico-politique internationale. La féodalité dans le système économique mondial fait des États des eunuques prestigieux dont l’unique pouvoir, purement théorique, est de battre monnaie. Encore faut-il préciser que toutes ces monnaies sont elles-mêmes hiérarchisées, la plus puissante étant, comme par hasard, celle du pays où siègent les multinationales les plus nombreuses et les plus dominatrices.
FIN.- Début d’un commencement. Il y a souvent plus de parenté entre deux phénomènes séparés par un point final qu’entre une cause et sa conséquence unanimement reconnue comme telle. Rien ne meurt véritablement jamais. Comme la fin n’est jamais atteinte, rien ne pourra jamais justifier l’impureté de certains moyens.
FORME.- Flacon. Il est des êtres qui ne seront jamais ivres du seul fait d’un flacon. Il est des flacons dont on est bien aise qu’ils soient jetables. En dehors de ces extrêmes, disons que les flacons sont généralement indispensables, surtout pour les sobres.
FORMULE.- Part d’idéal réduite à sa plus simple expression.
FOURRURE.- Peau de bête dont aiment à se revêtir les femmes pour prouver qu’elles tiennent en laisse le chasseur intrépide qui sommeille dans la bête de travail, la bête à concours, la bête à voler ou à tuer. Les hommes, qui ne sont pas si bêtes que les femmes le prétendent, savent bien que la femme est sortie la dernière de la caverne.
FRANCHISE.- Brutalité de comportement ou de langage. À défaut de pouvoir s’affiner, on ment. Dans les deux cas, on se civilise. Telle un métal, une civilisation devrait pouvoir s’apprécier selon sa teneur en authenticité. Le contraire de la franchise est la fourberie de l’être primitif, la rouerie de l’être civilisé, la plus grande fourberie étant bien celle d’une civilisation basée essentiellement sur la rouerie.
FRAPPER.- Être à court de mots blessants. Certains sont à court de mots, tout simplement. Ils ne peuvent que frapper ou se taire. Certains bavards sont plus dangereux qu’un boxeur vexé. Quoi qu’il en soit, la calomnie, l’injure et la diffamation laissent des traces plus durables que les coups et blessures.
FRATERNITÉ.- Petite dernière dans la devise de la République française, première par l’importance de sa source de malentendus.