LIBÉRALISME.- Doctrine économico-politique selon laquelle la répartition des biens doit s’effectuer, non pas en fonction des besoins, mais selon l’appétit et la gourmandise. Ainsi, dans une famille, c’est-à-dire une nation, les parents, c’est-à-dire l’État et les autres collectivités publiques, doivent se contenter de dresser les victuailles sur la table ; et tant pis si les goinfres raflent tout et si le petit dernier, qui est de surcroît invalide, arrive toujours trop tard. Ce qui est affligeant dans cette doctrine, sans doute inventée par des fils de marchands que le commerce paternel ennuyait, ce n’est pas tant l’injustice qu’elle engendre nécessairement que l’affront fait à l’intelligence. Comment peut-on qualifier de doctrine l’idée simpliste de tout laisser en l’état ? Il y a certes bien plus de réflexion chez un simple tailleur qui remédie à l’indigence de l’habit naturel de l’homme que chez nos doctes libéraux qui, ne sachant comment répartir dix rations de survie entre trente hommes, ne trouvent rien de mieux que d’organiser une course à la ration, où tous les coups, naturellement, sont permis. Si libérer les hommes consiste à les affranchir de tout ce qui peut entraver leur concupiscence et leur sauvagerie, on ne puis que rêver d’un monde carcéral où la raison imposerait de remplacer le commerce par les mathématiques.

LIBÉRATION.- Disparition momentanée de l’ombre de la servitude.

LIBERTÉ.- Moment privilégié où, le soleil étant à son zénith, la servitude ne fait aucune ombre.

LIMITER.- Brider. Domestiquer. Encadrer. Retenir. Pour le meilleur et pour le pire.

LIT.- L’un des quatre endroits où l’on vit dangereusement et dans lesquels il vaut mieux écourter ses séjours, les trois autres étant : le champ de bataille, le commissariat de police, l’hôpital.

LOGIQUE.- Construction cohérente et harmonieuse d’idées reçues.

LOI.- Ordonnance des phénomènes ou des passions. Le scientifique doit être dénué de passions. Le législateur doit tenir compte des lois de la nature.

LOISIR.- Occupation agréable malheureusement coincée entre l’ennui et le travail.

LOUANGE.- Tentative non violente de désarmement d’un concurrent ou d’un adversaire.

LUXE.- Superflu provocateur. Le luxe provoque le rêve, la jalousie ou l’exaspération.

LUXURE.- Occupation logique de celui qui, n’étant point pauvre, n’est pas davantage passionné par un grand dessein. Il n’y a pas d’immoralité dans la luxure ; il n’y a souvent que de l’illogisme. La luxure n’est logique que s’agissant d’êtres nantis financièrement et sexuellement mais dégarnis mentalement et affectivement. Ce qui fait mal au cœur, c’est de voir le spectacle de pauvres hères dont le plus clair de la vie consiste à rechercher inlassablement leur pitance, tels des oiseaux, ou celui, encore plus déprimant, de valeurs inemployées en dehors de la recherche effrénée du plaisir. Le nec plus ultra dans la déprime provient cependant du spectacle d’êtres puissants, financièrement et sexuellement, qui feraient mieux de s’adonner à la luxure plutôt que de léser leur entourage avec leurs grands desseins, leurs ambitions dont ils sont loin de posséder les moyens.