RACE.- Entité collective faisant partie d'un groupe animalier et se caractérisant par une spécificité physique, des mœurs particulières, une assise géographique déterminée. Quoi qu'en pensent et disent rêveurs et utopistes, les races humaines n'ont pas toutes la même valeur. Ainsi, quand les peuples européens bâtissaient, au cours des siècles, une remarquable civilisation, des tribus amazoniennes se livraient à l'anthropophagie et se faisaient même cadeau de leurs personnes âgées qui achevaient leur vie dans des repas de leurs ennemis. Il y a toujours eu, et il y aura encore, des races plus ou moins supérieures ou inférieures à d'autres. Il est d'ailleurs un phénomène assez curieux : quand deux races inégales se côtoient, par exemple lors d'une invasion, la race supérieure tend à perdre sa supériorité tandis que la race inférieure voit décroître son infériorité. L'histoire est farcie de cette étrangeté : c'est ainsi que les barbares du nord qui envahirent l'empire romain finirent par supplanter en valeur une civilisation qui n'en finissait pas de dégénérer.

RÉAGIR.- Répondre à une excitation. Ne pas réagir est le plus sûr moyen de dérégler les excitateurs.

RÉALISME.- Prédisposition à se mouler dans le réel sans trop chercher à l’analyser. Le réalisme maintient en vie chaque jour des milliards d’individus. À longue échéance, il ne peut que condamner à mort les sociétés qui s’y adonnent religieusement.

RÉALITÉ.- Pain sur la planche, et pour l’analyste, et pour le créateur.

RÉCESSION.- Période durant laquelle une société relâche la pression exercée sur les détenteurs de droits économiques pour qu’ils satisfassent à leurs obligations correspondantes.

REGRETTER.- Se plaindre d’avoir fait ou de ne pas avoir fait quelque chose tout en feignant de croire qu’on aurait pu y changer quelque chose.

RELIGION.- Explication non scientifique de l’origine de l’univers et de son devenir. Le rationalisme et le scientisme, à défaut de résoudre l’énigme, ont dû se contenter de n’être que des religions parmi les autres. Dieu se balade aujourd’hui parmi les éprouvettes et les générateurs et aucune équation ne l’a encore réduit, si peu soit-il.

RELIQUE.- Morceau de saint ou de grand homme ou d’objet ayant fait partie de l’environnement plus ou moins immédiat d’un saint ou d’un grand homme. Les reliques sont généralement conservées, pieusement, dans des hangars ou des temples dénommés musées où le bon peuple peut venir faire ses dévotions, à charge pour lui d’entretenir les prêtres du culte du souvenir. Les progrès techniques de la reproduction et de la muséologie ont favorisé l’essor des reliques. Une résurgence simoniaque a fait de Saint Paul un mille-pattes et un saint de tout unijambiste. Comment ne peut-on ne pas prendre son pied devant une relique ?

RÉMINISCENCE.- Trouble de la mémoire ou au contraire performance mnémonique fulgurante faisant revivre une vie antérieure ? Qu’il serait intéressant d’opérer l’analyse et la synthèse de toutes les réminiscences émaillant la vie complète d’un même individu ! Le film de notre vie que, paraît-il, nous nous projetons au moment de mourir est-il une phénoménale réminiscence ? Qu’attend-on pour faire véritablement parler les morts au lieu de leur faire dire n’importe quoi ?

RÉPUBLIQUE.- Forme de gouvernement où le fait du prince demeure exceptionnel. Il y a république là où la raison d’État est l’exception qui confirme la règle de droit. Il suit de là que la qualité d’une république dépend de celle de son tissu juridique. Un droit omniprésent et bien pensé ne laisse que peu de place à la tyrannie. Quand, au contraire, la loi est dépassée par l’évolution sociale et présente plus de trous que de mailles, le citoyen paisible se prend à rêver d’une bonne grosse tyrannie, de préférence éclairée. Être républicain, c’est trop souvent préférer, tel Socrate, une loi scélérate à pas de loi du tout. C’est aussi penser que les citoyens ont les lois qu’ils méritent et que, de toute manière, mieux vaut une mauvaise loi qu’un bon dictateur.

RESPONSABILITÉ.- Prise en charge des conséquences d’un phénomène. Dans une société quelconque, l’une des règles essentielles de salubrité consiste à attribuer aux responsables les pouvoirs correspondants et à exiger des détenteurs de pouvoirs qu’ils assument leurs responsabilités. Pas de pouvoir sans responsabilité, pas de responsabilité sans pouvoir, tel devrait être le crédo de tout homme public. Quand le ministre accuse son chef de cabinet, quand on attribue à l’ouvrier les responsabilités de l’ingénieur, alors se présentent et réussissent aux meilleurs places les individus les plus couards et les plus avides d’honneurs et de prébendes. Si l’écroulement d’un pont n’effleure même pas la carrière du ministre de la construction, alors il faut se dire que toute la nation commence à se lézarder.

RESTREINDRE.- Réduire, au sens où les Jivaros réduisaient les têtes de leurs ennemis vaincus. On ratatine toujours quand on restreint.

RÊVER.- Prendre des réalités pour ses désirs. Le dormeur devant les yeux clos duquel on gratte une allumette derrière un papier rouge rêve d’un gigantesque incendie. C’est probablement la maison de son percepteur qui brûle ainsi, à moins que ce ne soit celle d’une tante à héritage. Allez savoir !

REVOTER.- Faire l’imbécile une nouvelle fois, un peu comme un chat échaudé qui se replongerait dans l’eau, sous prétexte que, cette fois, elle serait froide.

RIRE.- Faire preuve d’humanité, si l’on en croit Bergson. Il voulait sans doute parler du rire déclenché par une perception visuelle ou auditive car les rigolades consécutives à des chatouilles ou à des papouilles ne sont peut-être pas nécessairement spécifiques à l’homme.

RISQUER.- Jouer le hasard contre la logique des choses.