OBÉIR.- Agir ou s’interdire d’agir en fonction d’une pulsion ou d’une inhibition étrangère.
OBJECTIVEMENT.- Avec des arrière-pensées qui sont tellement en arrière que personne n’est susceptible de les déceler.
OBLIGATION.- Nécessité juridique ou morale. Dans nos sociétés avancées, ont disparu la peur du gendarme et celle de Dieu. A resurgi alors l’antique peur affreuse, celle qui nous fait craindre autrui, tout et rien, celle qui fait que chaque homme se méfie, avant tout, de soi-même.
OBLIGER.- Mettre dans la nécessité de faire quelque chose. Obliger est plus intelligent, plus fin, plus noble que commander. C’est pourquoi si, au procès des chefs, les commandants risquent d’encourir quelques coups de pied au cul, ceux qui aiment à obliger peuvent s’attendre à la guillotine.
OCCASION.- Génitrice de larrons, larrons pillards et larrons d’amour.
OCCIDENT.- L’une des deux directions, avec le septentrion, dans lesquelles s’avancent et s’épanouissent les civilisations, laissant derrière elles des pétales qui se fanent plus ou moins rapidement. La ligne est-ouest est probablement la plus ancienne, la plus forte, la plus riche de progrès ; la ligne sud-nord est pourtant, de nos jours, plus vivace, plus fréquentée, plus prometteuse d’innovations et de dessèchements concomitants. Il est des peuples sis dans des positions dramatiquement stratégiques qui ont vu leur sève se répandre à la fois vers l’ouest et vers le nord. Ces peuples-là sont reconnaissables à leur langueur, à leur patrimoine bancal, à leur susceptibilité qui est proportionnelle à l’outrage fait à leur fierté par les vicissitudes de l’histoire.
OCCULTE.- Serein, heureux, à l’abri du fisc, des médias, des fossoyeurs et des emmerdeurs. Quand ils sont occultes, les revenus, les amours, les désirs, les diplomaties, les politiques, les rêves, les pouvoirs et les faiblesses n’ont de comptes à rendre à personne et font la nique à la démocratie ou, du moins, à ce que l’on voudrait nous faire prendre comme telle et qui n’est qu’une méchante alchimie d’impudeur et de délation.
OFFENSE.- Coup porté dans une plaie. Il n’y a que la vérité qui blesse et il n’y a point de gloire à oublier les offenses quand on est sûr de sa force et de son intégrité.
OLIGARCHIE.- Gouvernement naturel dans une république. On distingue des républiques assassines, où le petit nombre de gouvernants est régulé par des bains de sang réguliers, et les républiques démocratiques, où l’on demande au bon peuple de faire électoralement le nécessaire pour reprendre les mêmes et recommencer. Qu’elle se nomme classe politique ou nomenklatura, l’oligarchie républicaine est, en fait, une survivance des patriciens romains. Elle passe la plupart de son temps et de ses ressources à assurer sa pérennité, c’est-à-dire celle de ses privilèges. Malgré cela, la république poursuit son petit bonhomme de chemin, cahin-caha. S’il est une forme d’État qui justifie l’anarchisme, ou qui, du moins, ne puisse rationnellement en démontrer l’absurdité, c’est bien la république oligarchique. Enlevez à ce beau monde le jeu du pouvoir et que lui reste-t-il ? Heureusement qu’il y a les grands commis ! Ce sont eux, la république, et c’est quand ils se fâchent qu’il est nécessaire de changer et par là-même de renouveler quelque peu l’oligarchie.
ON.- Auteur de moult médisances, serviteur de la pensée chargé des basses œuvres. « Je » pense qu’ « On » devrait être banni du discours. « On » irait jusqu’à dire que « Je » est haïssable. Que ne dirait-il pas et comment le faire taire ?
ONOMATOPÉE.- Mot issu d’une éructation et ayant pour ambition de décrire un bruit. Au commencement était l’onomatopée. Quand le verbe naquit, naquit l’humanité. Il est pourtant encore des hommes, sans doute fidèles à leurs lointains ancêtres, qui ne s’expriment que par onomatopées.
OPPORTUNISME.- Aptitude à faire semblant de changer d’opinions alors que l’on se garde bien d’en avoir une seule.
OPPOSANT.- Manœuvre sur le chantier de la relève politique. Les opposants sont aussi poignants que les martyrs et les arrivistes. Être martyrisé par le pouvoir ou parvenir au pouvoir : tout dépend d’une sorte de timing qui fait que l’on gueule au bon ou au mauvais moment ; dans le premier cas, on ne peut plus compter les suiveurs ; dans le second, on se retrouve seul ou presque. Il y a, certes, davantage d’admirateurs des opposants vainqueurs que de sympathisants des opposants martyrs. Tout, finalement, n’est que question d’opportunisme. De survie, aussi, car le bon opposant est un opposant vivant. Tant pis pour les Indiens !