Étrangement j’ai contemplé les soirs
D’hiver brumeux, où la lampe s’allume,
Révélant les chemins des clairs matins
D’été, quand nos yeux sont restés obscurs.
Bizarrement j’ai dit un grand bonsoir
À mes forces d’antan qui, sur l’enclume,
Maniaient fortement, dans le satin
Du jour, tant de mots dont nul n’avait cure.
Avec pitié j’ai entendu les rires,
La jeune joie, des petits nouveaux nés,
Saluant du soleil les jeux dans l’aube
Où il fait bon rêver, sans crépuscule.
Avec douleur j’ai vu naître et mourir
Les vains essais et les erreurs innées
De la verte raison, nue dans sa robe
Transparente, glacée et ridicule.
Étrangement j’ai contemplé mes larmes
D’hiver pluvieux, où les jambes refusent
De retourner dans les chemins sonores
D’été, quand nos yeux oubliaient de voir.
Bizarrement j’ai senti les alarmes
Du terrible mal, qui lentement use
Le corps où, hélas, les rides s’honorent
De souvenirs jaunis, couleur d’ivoire.
Alors, étrangement, bizarrement,
Avec pitié, avec douleur, j’ai bu
Dans ma coupe de fils, de frère, d’amant,
Pour trancher les jours dont je fus imbu.
Mes soirs d’hiver brumeux,
Mes clairs matins d’été,
Mes forces d’antan,
Le satin de mes jours,
Mes rires de nouveau né,
Les jeux de mon soleil,
Mes vains essais et mes erreurs innées,
Mes larmes d’hiver pluvieux,
Mes chemins sonores d’été,
Les alarmes de mon mal,
Les rides de mon corps,
Mes souvenirs jaunis,
Vous n’êtes plus.
Je suis mort.