La terre se réchauffe. L’homme se déshabille.
L’amour se dépouille. L’art se simplifie.
La pensée se dénude. Des cavernes se bâtissent.
Des forêts de béton surgissent.
La force reprend ses droits. Le feu a disparu.
Mais les dieux sont morts,
Le ciel n’est plus obscurci, la nuit n’existe plus,
La poésie non plus.
Les rois sont enterrés.
La science est éternelle.
Les tyrans ne sont pas pour demain.
Le bruit s’est amplifié.
Le temps s’est ramassé.
La musique s’est tue. L’harmonie est partie.
La mesure est chassée.
L’œil est dévergondé.
Des monstres réapparaissent. Des langues sont coupées.
Des chefs-d’œuvre sont brisés.
Mais le peuple est un dieu,
Le ciel est son royaume, la mer n’existe plus,
Les distances non plus.
Les guerres sont impossibles.
La chirurgie est infaillible.
L’air est empoisonné.
Le livre est dépassé,
La peinture trépassée.
Les ventres sont rassasiés.
Des chimères renaissent. Des rêves se réalisent.
La raison est glacée.
Glacé demeure l’esprit.
Mais les fous ont été enfermés,
Les artistes sont surveillés
Et la bête est lâchée.
Les nerfs sont excédés.
Le sexe est incertain. Le sourire est figé.
L’utile se démode. Le vrai se vulgarise.
Le juste se légalise.
Des totems sont dressés.
Des fauves sont procréés.
Le beau est inutile. Le vrai est apparu.
Mais l’Europe est finie,
L’Amérique n’est plus qu’une banlieue,
L’Asie s’est réveillée et l’Afrique s’éveille.
L’individu est noyé.
La masse est un torrent.
Les crimes ne sont pas d’hier.
Les statues sont fondues. La douceur s’est crispée.
Les hanches s’amincissent. L’ouragan est dompté.
L’intuition est figée.
L’analyse est repue. Des troupeaux sont parqués.
Des ronces sont arrachées.
La santé nous sourit.
Mais les dés sont jetés,
Les armes sont forgées, le vulgaire n’attend plus,
La bassesse non plus.
Les larmes sont taries.
Les rires sont jaunis.
La mort n’est pas soumise. Le luxe se soupèse.
L’ennui est devenu obèse.
Le raffinement a maigri.
Des sabbats se préparent. Des êtres sont sacrifiés,
Des étoiles explorées,
Des déserts repeuplés.
Les carnages subsistent.
Les idées se blanchissent.
Le progrès est pressé.
Au spectacle du monde accoutume tes yeux.
Vois l’énorme nuage de poussière que soulève
La marche des peuples vers l’éden de l’avenir.
Entends le souffle sauvage des poitrines
Libérées de l’histoire et du toujours recommencé.
Sens l’odeur de sueur qui se dégage de l’immense chantier.
Goûte au breuvage amer de l’actualité.
Bientôt, sans doute, il te faudra
Laisser broyer ton âme
Et te dissoudre dans le creuset gigantesque
D’où sortira la vie de
Demain !