Un vieux blotti sous un portail
D’une maison pas loin d’un mail
Tend au passant une sébile
Tremblant dans sa main malhabile.
O bourgeois ! tu passes sans voir
Le triste gueux au regard vide
Et pourtant, peut-être ce soir,
Tout son corps de soins est avide.
Mais le vent souffle sans savoir,
Balayant l’eau sur le trottoir ;
Quel émoi pour le pauvre diable
Sans feu ni logis avouable.
Bourgeois, écoute, arrête-toi,
Malgré la rafale et le froid ;
Donne-lui bien vite l’obole,
Que ton geste soit un symbole.
Hélas ! l’aveugle tout brisé
De faire entendre en vain sa plainte
S’affaisse bientôt écrasé
Par la faim, le gel et la crainte.
Bourgeois, parfois inconscient
Des souffrances, de l’infortune,
Crains toujours que le mendiant
Ne garde en son cœur la rancune.