Sur la route encaissée entre les deux collines,
La caravane avance au pas de ses mulets.
Des pieds nus bien cerclés de vingt femmes bédouines
Monte un nuage d’or dans le ciel de juillet.
Deux enfants attachés au bât d’un petit âne
Côtoient non sans frayeur le bord du grand fossé,
Tandis que des vieillards appuyés sur leur canne
Semblent toucher du chèche leurs genoux harassés.
Au centre du cortège, assise en amazone
Sur un mulet tout blanc de rouge harnaché,
La frêle Fatima, épouse monotone,
Crispe ses doigts nerveux, saturés de henné.
Sous ses voiles cachée au regard qui la brigue,
Soumise et résignée en son cœur doucereux,
Elle va vers cet homme inconnu qui l’intrigue
Depuis le premier jour du projet bienheureux.
À présent, bêtes, gens, abandonnent la route.
Par un sentier perdu, tortueux, raviné,
La file nuptiale en gravissant s’arc-boute
Pour atteindre au plus tôt le lieu prédestiné.
Le soleil qui rougeoie encor les accompagne,
Avivant les couleurs des costumes fanés.
Le vert-gris broussailleux, au flanc de la montagne,
Sert de toile de fond à ces masques tannés.
Le plateau du douar, avant le crépuscule,
Est bientôt animé du peuple des gourbis ;
Pour fêter Fatima, chaque bédouine ulule
Un long you-you strident dont l’écho retentit.
L’épousée est conduite à la tente sacrée ;
Seule, elle y restera bien longtemps dans la nuit,
Attendant que le mâle, assoiffé d’hyménée,
Des feux du méchoui se retire sans bruit.
L’aube, de son doigt rose, a caressé la plaine.
Là-haut tout est silence et, dans l’infinité,
D’un regard vers Allah une femme sereine
Louange le témoin de sa virginité.