La guerre interplanétaire, c’est entre hommes qu’elle se déroulera. Je vois parfois, le soir, dans la mer profonde et infinie des cieux, briller les rivages des planètes, nos futures colonies, nos futures ennemies.

La conquête de la Lune sera peut-être le fait d’une seule nation, mais l’implantation massive de l’homme dans notre satellite nécessitera et causera la naissance tant attendue des véritables Nations Terrestres Unies ; mais, en même temps, naîtra une colonie internationale peuplée d’aventuriers, futurs Lunaires libres et indépendants. D’autres conquêtes suivront, d’autres nations spatiales verront le jour, d’autres établissements se disputeront âprement entre anciens Terriens. La Terre demeurera silencieuse et presque déserte, habitée par les plus doux, les plus timides, les plus casaniers d’entre nous ; et, un jour, la guerre éclatera, pour un prétexte quelconque : Mars se jettera sur la Lune, alliée de Saturne, pour s’affirmer, proclamer son indépendance. Je vois d’ici un La Fayette astronaute dire de grandes phrases en appuyant sur des boutons. Des défilés de vaisseaux cosmiques se prépareront, musique ultrasonique en tête. La Terre, on l’oubliera de plus en plus ; elle retombera dans l’âge primitif des avions à hélices et des automobiles à essence. On fera sur elle de beaux documentaires éducatifs et poétiques célébrant le berceau des civilisations. On la visitera même, peut-être, à grands frais, pour passer des vacances à la mode. On prendra des photographies de l’employé de banque se rendant le matin à son institution vétuste, comme sont photographiés présentement les paysans archaïques de Grèce ou de Judée. On enverra certainement des missionnaires pour essayer de sortir ces pauvres barbares de Terriens de l’ignorance du dieu de l’an 4000.

Que c’est triste : recommencer toujours comme hier en prenant aujourd’hui pour un nouveau soleil. Mes pauvres enfants des quatre coins du ciel, combien je vous plains, moi qui ne connais même pas les quatre coins de la Terre.