Il y a des métiers qui, instinctivement, peuvent dégoûter : ce sont ceux où la fonction consiste en attouchements, tels celui du coiffeur, du pédicure, du masseur ou du médecin. On sait pourtant bien que les coiffeurs, les pédicures, les masseurs et les médecins sont utiles, sinon indispensables, et l’on est bien heureux, parfois, de leur existence. On se méfie quand même toujours un peu quand on va les trouver et, malgré nous, ils nous dégoûtent. Quand, dans une salle d’attente, on voit une femme très laide et très vieille entrer dans le cabinet du docteur, on éprouve presque un sentiment de jubilation et on se dit, en pensant au praticien : « Voilà qui t’apprendra à palper l’anatomie des gens ». On ignore sans doute que, ce faisant, ces hommes-là poussent bien souvent leurs jouissances jusque dans la palpation de la laideur et de la vieillesse. Je me souviens d’une petite altercation survenue dans un salon de coiffeur entre le garçon coiffeur et un client. Ce dernier s’était soigneusement lavé les cheveux avant d’aller les mettre entre les mains du praticien ; celui-ci en était mécontent car, disait-il, des cheveux trop souples l’empêchaient de faire correctement son travail. Le client demanda des excuses et déclara qu’il avait agi ainsi pour ne pas contraindre le coiffeur à travailler sur sa poussière, sa crasse et sa sueur. « Oh ! répondit le coiffeur, vous savez, on en voit de toutes les couleurs et on n’y prête plus aucune attention ». Ce qui était terrible, c’est qu’il disait cela avec un air d’intense jubilation. Le docteur, le coiffeur, le masseur, le pédicure font des attouchements mais, à part cela, dans le fond, ils vous laissent tranquille. Bien plus répugnant, en vérité, est le psychiatre. Lui descend jusqu’au fond de votre être. Il saisit vos entrailles à pleines mains et semble se repaître de leur odeur. Le psychiatre, hélas ! est utile : en nos temps de folie, il faut bien soigner les hommes qui ne savent pas hurler des propos inconsidérés. Il ne peut pas véritablement soigner ses patients, mais il leur permet au moins de connaître leur mal qui est de ne pas pouvoir imiter et, donc, de ne pas pouvoir faire partie du troupeau d’esclaves.

Le psychiatre est donc utile ; mais peut-on me dire à qui et à quoi peuvent bien servir les études psychanalytiques effectuées sur nos grand écrivains, ou plutôt sur leurs écrits ? Là, le dégoût instinctif se transforme en horreur ; aller ramasser dans d’obscurs coins les lettres intimes d’un Mallarmé, passer son œuvre au crible, remuer ses cendres encore chaudes, le prendre par l’anus ou le gros intestin et conclure : « Messieurs, Mallarmé était efféminé, frileux, égocentrique, amoureux de sa mère, enfantin par plus d’un côté ; en un mot, c’était un pauvre type et c’est sans doute pour cela qu’il a écrit de si beaux vers ». Lui retourner son sexe et lui faire sortir les boyaux par le nez, c’est plus que dégoûtant, c’est tout simplement indécent et pervers ; mais les psychiatres se moquent de l’indécence et de la perversité. J’aimerais que l’on psychanalyse une bonne fois pour toutes les coiffeurs, les masseurs, les pédicures et les docteurs, et surtout les psychiatres, et que l’on dise : type parfait du cochon.