Que l’on se rassure ! Il ne s’agit pas d’une tribu sauvage d’Indiens ou bien d’une cohorte de cousins des pieds nickelés. Les Pieds noirs, c’est le nom gentillet que l’on donne communément aux Français qui occupaient cette belle Algérie française. L’expression a connu de nombreuses explications, les unes plus invraisemblables que les autres. En fait, la véritable origine de l’expression est la suivante : à la fin de la guerre franco-allemande de 1870, le gouvernement français de l’époque eut la générosité de permettre aux Alsaciens et aux Lorrains qui ne voulaient pas devenir des Allemands de se rendre en Algérie. Après un voyage pénible, nombreux furent les Alsaciens et les Lorrains qui parvinrent ainsi sur les côtes algériennes. Les Arabes virent alors débarquer des cohortes d’individus dont le point commun était d’être tous chaussés de chaussures noires. Ils eurent alors l’idée de les appeler les Pieds noirs.
Les Pieds noirs ont figuré à leur manière l’union de l’Europe bien avant que celle-ci ait eu l’air de se constituer. La plupart des pays d’Europe du Sud y avaient en effet des représentants unis dans la mise en œuvre de l’Algérie française. On y trouvait, bien sûr, des Français de souche, notamment, donc, des Alsaciens et des Lorrains, mais aussi des Maltais, des Corses, des Italiens, des Siciliens, des Espagnols, des Portugais, et même quelques Européens du Nord, par exemple des Hollandais. Ces représentants de peuples divers finirent par ne former qu’une seule et unique nation, pleine d’ambition, d’énergie et de compétence, qui se mit en moins d’un siècle à faire d’une région sauvage et délabrée un merveilleux pays propre et prospère. Que n’a-t-on pourtant pas dit, hélas ! sur les Pieds noirs… Des intellectuels fatigués et des esprits gauchistes les ont traités de tous les noms. Aujourd’hui encore, les derniers représentants de ce peuple magnifique sont considérés par certains comme d’impies colonisateurs. Il ne faudra pas attendre que les derniers d’entre eux passent de vie à trépas pour leur rendre justice et pour admirer en eux tout ce qu’ils ont été : des bâtisseurs formidables, des organisateurs et des travailleurs qui ont su faire d’un désert un pays merveilleux.
Certains d’entre eux ont eu le courage de retourner voir leur pays. À leur retour en France, la plupart ont fait une dépression nerveuse. Leurs pensées devinrent alors aussi noires que leurs pieds. En attendant qu’un homme politique ou un écrivain de renom daigne faire leur apologie, nous dirons simplement : que vivent les Pieds noirs !