Il ne leur restera plus que leurs yeux pour pleurer. Aujourd’hui, ils font péniblement un ou deux enfants, tandis que leurs envahisseurs en produisent en moyenne une dizaine, tout heureux de bénéficier en ces occasions des avantages sociaux dont le nom même revêt présentement une résonnance comique et provocatrice. Dans une trentaine d’années tout au plus, ils seront donc minoritaires. Ils connaîtront alors toutes les douleurs du racisme authentique. Le racisme dont certains d’entre eux sont accusés n’est qu’une parodie de racisme. Le véritable racisme, c’est celui qui les obligera à se vêtir comme leurs envahisseurs, à prier comme eux sous peine des pires sévices. Leur histoire sera remise en question, leurs pensées seront filtrées, leur existence même à peine tolérée.

Quand ils seront minoritaires, les plus âgés d’entre eux se souviendront avec tristesse de leurs prérogatives de citoyens. Ils porteront aussi dans leur cœur la haine de leurs aînés qui auront eu la bêtise de croire en l’intelligence de ces humanistes pleins de bons sentiments, de ces pacifistes à tout prix, de ces antimilitaristes pleins de générosité, de ces aveugles.

Quand ils seront minoritaires, ils n’existeront plus en tant que peuple. Ils ne seront plus qu’un magma d’esclaves à la recherche d’une identité et d’une contrefaçon de bonheur. Il serait peut-être souhaitable de leur dresser déjà des mausolées où ils pourront venir se recueillir quand leurs maîtres leur en laisseront le loisir.