Ce sont deux notions tellement antonymes qu’elles ne peuvent coexister qu’en se faisant la guerre. Prétendre qu’un pays est en état de guerre et doit, malgré tout, respecter l’état de droit est une aberration. Autant dire que les blessés ne doivent à aucun prix passer au bloc opératoire. Autant dire que les fantassins d’une tranchée de Verdun auraient dû attendre que les soldats de la tranchée d’en face leur tirent dessus pour en conclure qu’il s’agissait bien d’ennemis. Certes, la guerre est cruelle et injuste. Elle tue plus de pauvres gens pacifiques que d’assassins professionnels. Est-ce une raison pour ne pas se défendre ? Il est vrai qu’une certaine religion prône de tendre l’autre joue quand on a reçu une gifle. On ne peut pourtant pas faire abstraction de la cruauté tout particulière des guerres de religion.

Qu’est-ce que l’état de guerre au juste ? La guerre a tellement évolué depuis plusieurs siècles. Elle n’est plus, depuis longtemps, une confrontation armée répondant à des règles et opposant des spécialistes de la guerre. L’artillerie, les bombardements aériens ont complètement changé la donne. La guérilla aussi. Comment peut-on prétendre faire fonctionner des règles juridiques quand la mort tombe du ciel ou vous prend par derrière ? Comment peut-on concevoir qu’il faille emmitoufler le terrorisme dans ce confort juridique dispensé par des juges et des avocats ? Comment peut-on placer dans le même état de droit celui qui a perdu la tête devant l’ignominie de son voisin ou de son collègue et celui qui tue des inconnus pour obéir à des ordres ?

Dire, comme certains de nos hommes politiques, que nous sommes en état de guerre et qu’il faut quand même préserver l’état de droit, c’est tout simplement avouer que l’on n’a pas le courage de faire la guerre ou que l’on est simplement masochiste. Bienheureux celui sur qui l’on tire et qui a quand même le temps d’appeler son avocat. Prévenir la caserne serait quand même un peu plus judicieux. En temps de paix, l’état de droit est sacré. En temps de guerre, mieux vaut tirer d’abord et réfléchir ensuite.