Nous l’avons échappé belle. Nous étions dans la plus complète panade. Notre pays était au bout du souffle. Plus rien ne fonctionnait correctement. En pleine campagne électorale, nos candidats à la présidence, à une ou deux exceptions près, montraient très ostensiblement toute leur bêtise vaniteuse et leur idiotie à qui mieux-mieux. Notre peuple, complètement désorienté, ne savait plus à quel saint se vouer. Il ressemblait étrangement à un personnel d’un asile d’aliénés devant choisir parmi les fous dont il avait la charge celui ou celle qui devait diriger l’asile. Nos entreprises n’en pouvaient plus, nos salariés étaient devenus des chômeurs, nos élites étaient prosternées, nos journalistes s’amusaient énormément en faisant état de nos malheurs. Nos policiers n’en pouvaient plus, nos gardiens de prison envisageaient de se suicider collectivement. Nos acteurs, qui ressemblaient étrangement à nos politiciens, passaient leur temps, entre deux tournages, à maugréer contre ceux qui n’aimaient pas le désordre systématisé. Nos hommes politiques à la retraite, qu’ils fussent de droite ou de gauche, faisaient des dépressions carabinées.

Le miracle se produisit enfin. Une de nos ressortissantes devint Miss Univers. La courbe de ses hanches, la beauté de ses cuisses et tout le reste de son corps magnifique avaient permis à la France d’emporter un titre mondial ô combien désiré par plus d’un pays en mal de trophées. Par ailleurs, notre équipe de handball venait d’acquérir elle aussi le titre mondial. La France était sauvée. Peu importerait désormais que notre président de la République soit un fieffé coquin ou un crétin fini. Notre peuple était soulagé. Il allait enfin pouvoir voter sans trop se poser de questions et sans avoir la gorge serrée.

C’est vraiment curieux : quand on est complètement déprimé au point de ne plus avoir le courage d’appeler SOS médecin, il suffit parfois d’un petit sucre d’orge pour vous remettre miraculeusement sur pied. Merci, grand merci, Madame Miss Univers, merci, nos formidables handballeurs. Le ciel peut maintenant nous tomber sur la tête. Qu’importe ! Nous sommes sauvés.